mouette

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mercredi 30 août 2023

Abaya : problème ou solution?

Il y a en France 58910 écoles et établissements dans le 2nd degré, dont : 48 220 écoles, 6 980 collèges, 3 710 lycées (source ministérielle)...

Ces établissements accueillent près de 12 millions d'élèves. Si on considère une semaine à 5 jours d'école il y a donc environ 60 (12x5) millions de journées scolaires par semaine pendant 37 semaines ... Soit 2 220 (60x37) millions de journées scolaires...

Il y a environ (chiffre délicat car pas de bilan global mais des données éparses) en moyenne 300 signalements d'atteintes à la laïcité par mois sur le territoire (904 cas entre avril et juillet 2022, 627 entre décembre 2021 et mars 2022)... Généralement ces chiffres sont plus importants au premier trimestre de l'année scolaire où se commémorent (ou non) les événements tels que le 11 septembre , l'assassinat de Samuel Paty, les attentats du bataclan... 

Une note récente donne les chiffres suivants : 4710 remontées d'incidents en  ( = 392.5/ mois) en 2022/23 pour 150 établissements concernés.

Ces chiffres permettent de dire : 

- Sur la totalité du territoire, pris globalement, comme aime tant à le faire notre chère administration pour tout autre sujet, les atteintes à la laïcité ne sont pas un sujet. Dans la plupart des établissements, la plupart des jours de classe, pour la plupart des enfants et adolescents, on n'a aucun problème... 

- Par contre, dans certains quartiers, ou établissements, il y a effectivement un problème réel dont on peut douter que ce soit l'appareil législatif qui puisse le résoudre...  

Les signalements pour atteinte à la laïcité concernent dans une proportion de 40 % des signes religieux ostensiblement portés. Les autres motifs sont : prosélytisme (8%), refus d'activité pour motifs religieux (7%), revendications communautaires (7%), provocations verbales (5%), refus des valeurs républicaines (2%), autres formes ((?, 10%) (source : ministère pour le mois de septembre 2022).

Concrètement, on est confronté à plusieurs situations : 

- Exhibition de croix chrétiennes

- Port du voile

- Port de la Kippa

- Respect du Shabbat avec absentéisme le samedi matin

- Revendications de fêtes religieuses non inscrites dans le calendrier républicain.

Depuis des années le débat s'est cristallisé sur la question du voile, en lien avec les progrès d'un Islam radical. 

La laïcité est un principe essentiel de la République. Elle peut se résumer au respect de la liberté religieuse et donc à l'égalité absolue des choix de conscience (croire / ne pas croire) et donc par conséquent à la neutralité de l'Etat et des services publics, garante de cette liberté et de cette égalité. 

L'interdiction d'un signe religieux ne se comprend pas comme une stigmatisation mais comme un garde-fou, une volonté de protection de la liberté pour un public influençable.

La question sociale, la question de l'intégration à la République la question religieuse se confondent fort souvent dans les situations d'atteinte au principe de laïcité. 

Dans ce contexte l'abaya représentait, SELON MOI, (en majuscules car ce n'est pas factuel mais bel et bien une simple opinion personnelle) plus une solution qu'un problème.  

Ce vêtement qui n'est pas religieux, mais culturel, permettait sans nul doute une forme de revendication religieuse, je ne suis pas naïf. Mais il a l'avantage de permettre l'intégration à l'école de personnes en mal d'identité, en mal de reconnaissance. L'interdire équivaut dans certains établissements à rouvrir une "guerre" entre l'autorité républicaine et les familles concernées. Allons nous interdire la barbe ? Allons nous en mesurer la longueur, la coupe? En analyser le sens profond? Chacun comprend qu'en multipliant les interdictions, on ne fait que rendre la situation plus tendue et plus complexe à gérer au quotidien, car c'est ici que cela se joue aussi, et surtout! 

Tout ça pour un "problème" qui se mesure à l'aune des chiffres cités plus haut : 400 situations par mois, soit 15 par jours pour 12 millions d'élèves accueillis dans 60 000 établissements... 0.25% d'établissements concernés... Misère. 

On répondra que ce sont des situations de trop.. Oui. Il y a également 15 millions d'infractions routières liées à la vitesse par an, soit 41 000 par jour... (c'est trop également...)

C'est en réalité une pierre jetée dans le jardin du RN, dans un contexte post émeutes. C'est extrêmement dangereux d'autant plus que quasiment inapplicable. Bien malin qui distinguera l'effet de mode avec l'abaya revendicative. Bref, une manière de gonfler les pectoraux bien malvenue... Mais le gouvernement a besoin de bomber le torse. 

Au lieu de donner les moyens de gérer les situations problématiques, pas si nombreuses que cela, il se donne une posture d'autorité. Pendant ce temps-là le service public agonise : les enseignants ne se recrutent plus, les hôpitaux débordent, la mortalité infantile augmente de manière continue depuis 10 ans et on détourne l'attention... 

On me reprochera angélisme (je l'entends déjà), ou excès de pragmatisme. Mais oui, pragmatique faut l'être sinon on refuse de gérer le réel et le réel c'est que je vais avoir 32 gamins par classe la semaine prochaine et que je vais pas en virer parce que certain.e.s ont un vêtement qui trahit une appartenance culturelle. Si cette interdiction se met en place on verra le nombre d'incidents augmenter. Ne serait-ce pas un des buts recherchés? 

Pour éclairer le débat je signale l'opinion de l'historien Iannis Roder, favorable à l'interdiction de l'abaya dont le port constitue selon lui un geste politique. Opinion argumentée et éclairante même si je ne partage pas forcément sa conclusion. https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/03/iannis-roder-enseignant-le-port-de-l-abaya-constitue-bel-et-bien-un-geste-politique_6187630_3232.html

1 commentaire:

  1. Tu as raison Hubert, il faut savoir faire des compromis parfois sans être naïfs et la question se pose de savoir à qui profite cette tension ou polémique.

    Mais pour moi, le plus intéressant comme tu l'as suggéré est ce besoin d'identité. D'un point de vue philosophique, l'identité enfermé et ne favorise pas l'ouverture.
    Je pense pour ma part que pour comprendre tout se malaise social, cette quête d'identité et ce retour du religieux peut s'expliquer par ne analyse psychanalytique avec la montée du ressentiment.

    Sébastien

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