mouette

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samedi 2 mars 2024

La deuxième mort de Missak Manouchian

 Missak Manouchian est mort une deuxième fois. 

On devrait se réjouir de la panthéonisation d'un vrai héros (si ce mot a un sens) de la résistance. Mais on ne peut pas. Pas vraiment. Pas du tout. 

Missak Manouchian est mort sous les balles des nazis, trahi. Arménien, poète, ayant deux fois demandé la nationalité française, et deux fois elle lui fut refusée. Communiste, membre des FTP - MOI (Franc-tireur partisan - Main d'œuvre étrangère), il se battait pour des idées. Le représentant de ce mouvement, 93 ans, s'est vu refuser l'accès au panthéon le 21 février dernier,  parce qu'il en portait la bannière... Communiste. Sans doute un gros mot pour les gouvernants d'aujourd'hui. 

Immigré. Les mêmes qui panthéonisent (à tour de bras, récupération, récupération...) font voter la loi "immigration-Darmanin". Ils n'ont donc aucune honte, aucune gêne, à prendre d'une main ce qu'ils donnent de l'autre. Sans vergogne. Ces gens, avec leur idéologie,  auraient sans nul doute expulsé Manouchian en 1939. Ils l'auraient peut-être même dénoncé, ou exécuté, qui sait? Après tout, le RN, pour qui certains macronnards affirment préférer voter contre les communistes, est né des anciens Waffen-SS français de la LVF. Honte à eux! 

A Clamart il existe une forte communauté arménienne, active et bien intégrée. Arrivés après le génocide, les Arméniens ont eu un accueil plutôt positif qui fait que lorsque Vichy dénaturalisait les Polonais juifs à tour de bras, les Arméniens étaient plutôt épargnés, et tant mieux. Valait mieux être chrétien en ces temps-là. Aujourd'hui aussi. Le discours de M. Berger, maire de Clamart, lors d'un hommage à Manouchian ce 2 mars restera comme un sommet de réécriture de l'histoire. Ainsi Manouchian s'est battu contre un génocide car victime d'un génocide...Ainsi Manouchian fut-il le trait d'union entre la France et l'Arménie...Balivernes. De ses idéaux, il ne fut pas question. Notons dans la bouche du maire cette expression : "c'était un homme d'action..." Oui. Il a pratiqué l'action violente, ce que l'on appelle "terrorisme" quand on veut disqualifier les gens... Tiens..? Manouchian n'est plus un terroriste. Mais Julien Coupat, oui! Ah ce mot... 

Décidément, la mémoire, ou plutôt l'obsession mémorielle,  joue des mauvais tours à l'histoire parfois... 

La vérité c'est que Manouchian était communiste, résistant, se battant non pour l'amitié franco arménienne mais bien pour des idées de justice sociale et de liberté politique, et que la France (parti communiste inclus, question de stratégie politique tripartiste) a eu bien du mal à l'accepter. La vérité c'est que le poème d'Aragon devenu la chanson de Ferré a été interdite d'antenne jusqu'en 1982. La vérité c'est que de Gaulle voulait une résistance bien française et que française. Ironie de l'histoire, cette chanson est jouée au Panthéon lors d'un hommage national. Diable de Macron, bien habile.

Alors? 

Alors aujourd'hui,  ceux qui président à cet hommage, en font des tonnes et l'instrumentalisent,  devraient pourtant faire profil bas. Car, s'il était vivant, nul doute que Manouchian serait en première ligne dans la lutte contre un pouvoir policier, raciste et antisocial. 

La résistance est largement un mythe, construit dès le discours du 25 août à l'hôtel de ville de Paris,  même si les résistants ont existé bien sûr. Ce qu'il y a de plus solide dans "la" résistance, factuellement, c'est le CNR et son programme, que déconstruisent pourtant jour après jour les gouvernants qui osent s'en réclamer. Il faudrait autour de cette histoire une thèse et non un simple jet de colère. 

Finalement, réécouter sans lassitude le magnifique hommage d'Aragon et Ferré. Et Feu Chatterton ne démérita point dans l'exercice, le 21 février dernier. Qui devrait être un jour béni. Gloire à Manouchian, immigré, résistant, poète, homme sans haine.

Pour faire le point sur ce dossier le minuscule livre d'Annette Wieviorka, paru il y a quelques jours et que je viens de découvrir : Anatomie de l'Affiche rouge, Le Seuil Libelle. 

dimanche 14 janvier 2024

Vieux monde

Le président Macron promettait il y a des lustres d'en finir avec le "vieux monde", les vieilles recettes et la politique à papa. Résultat,  dès son élection, il se comportait en monarque d'un autre temps, se proclamant "Jupiter", renouant ainsi avec les pires heures de la monarchie républicaine. 

Le remaniement qui vient d'avoir lieu illustre à quel point le Président est prisonnier d'une vision dépassée de la politique et des institutions poussiéreuses de la Vème République. 

Croire que changer de Premier Ministre peut intéresser et motiver l'électorat me semble être une vision totalement erronée de la crise profonde de la politique dans ce pays et ailleurs. Les citoyens savent que rien ne changera réellement et que par delà les noms et les visages de la galerie politique, les politiques, elles, seront maintenues. Non pas qu'il soit impossible d'agir autrement, mais les volontés en œuvre sont celles de rapport de domination et de classe qui dépassent largement le personnel gouvernemental. 

Pour réconcilier les citoyens et la politique il faudrait que ces citoyens soient parfois écoutés et entendus et non méprisés comme ils le sont depuis des décennies maintenant. 

Il faudrait de vraies transformations institutionnelles qui garantissent l'existence de contre pouvoirs, de voies d'accès des citoyens aux processus de décisions, des réformes profondes de la représentation publique (sur le non cumul et les modalités de renouvellement des mandats  par exemple), une transformation des systèmes électoraux.. Bref, une nouvelle République! 

Alors on subit un énième changement de gouvernement dans l'indifférence la plus totale et là où les gens bien intentionnés scrutent le changement, que voient ils? Le retour de personnalités historiques du sarkozysme, des pantins du macronisme, des sinistres  mis en examen, tous à droite et à droite toute! Une permanence totale en réalité, maquillée par un record de précocité -soit dit en passant  une vraie garantie d'inexpérience, de méconnaissance et de suffisance-, ce dont tout le monde se moque. 

Une ministre de l'Education nationale qui dès son installation insulte l'école publique, et qui de toutes façons, comme toute cette classe politique d'ailleurs, met ses mômes dans le privé parce que "quand même, le public, ma bonne dame, c'est fainéants et compagnie". 

Depuis 2017 le démantèlement des services publics, déjà bien entamé par une prétendue gauche de gouvernement, ne fait que s'accélérer.  Qu'ils soient classés à droite ou au centre les ministres de Macron ont tous servi une authentique politique néolibérale de droite dure et autoritaire, aussi bien dans la sphère économique que dans la sphère des libertés civiques. Une politique libérale servie par une police et une justice aux ordres et n'ayant pas peur de frapper fort le plus faible. Et la France de sombrer dans une "démocratie autoritaire" aux yeux de l'Europe et du monde entier. 

Des éditorialistes parlaient mardi soir dernier d'un tournant dans le quinquennat car il y avait la possibilité d'une "ouverture à droite" (je cite) Stupéfiant. La droite est au pouvoir depuis 2017 sans nul doute quelles que soient les origines politiques supposées ou réelles de nos gouvernants. Tous les ministères régaliens sont tenus par des anciens serviteurs du sarkozysme ou du chiraquisme, et si les figures du "macronisme de gauche" furent des ministres de Valls et Hollande n'oublions donc pas que ce socialisme là, fut le plus traître qu'il ait été possible d'être... L'obsession de ces gens est d'identifier une gauche extrême parmi les personnes qui furent pourtant leurs camarades de parti. Mais cela faisait tellement longtemps que le PS était rongé de l'intérieur... En a-t-il d'ailleurs un jour été autrement? Question à poser. 

Aujourd'hui le macronisme continue à hausser le menton, à bomber le torse et à avoir un discours d'autorité : sur l'école, l'immigration, la laïcité. En réalité ce discours s'accompagne de toutes les conditions pour aggraver la situation des services publics et de la fragmentation sociale du pays. 

Hôpitaux en ruines, école ravagée, frontières fermées alors que de nombreux métiers en tension ont besoin de main d'oeuvre... Tout est fait pour que la droite la plus extrémiste, née du Pétainisme et issue des années Trente, raciste, homophobe, liberticide, réactionnaire, arrive au pouvoir. Tout est fait pour complaire aux lobbys les plus nocifs (agriculture, chasse, alcool). Tout est fait pour désengager la France des objectifs de transition écologique, pour continuer à agrandir des métropoles tentaculaires au détriment des autres territoires, développer des transports routiers, comme si on manquait réellement d'autoroutes dans ce pays... On va dans le mur et on accélère. 

Trois ans encore ça va être long...