mouette

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lamouetterouge@gmail.com

vendredi 27 octobre 2023

Rolling Stones Blues

 

Qu’attendre d’un album des Stones en 2023 ? Rigoureusement rien. Ça fait un demi siècle que ce groupe ne fait que cultiver sa propre légende, écrite dans le laps de temps 1965 avec une flopée de disques si bons que c’en est irréel. Lorsque je constate que j’ai vu des Stones sur le retour au Parc des Princes lors de ce qui fut la tournée Flashpoint puis à l’Olympia en 1995, cela est vertigineux. Un demi siècle de routine ! La longévité stupéfiante de l’entreprise est en soi sidérante.

Qui dit mieux, hormis Bob Dylan, lui-même légende vivante?

Alors pourquoi écrire ? Parce que mon ami Jérôme, collectionneur de vinyles devant l’éternel, me recommande de l’écouter. Parce que Le Figaro se fend d’un article assassin intitulé « rock en toc ». Mais qui pourrait bien consulter Le Figaro avant d’acheter un disque de rock ? « Nobody » dirait ma belle-mère ! En tous cas je fais plus confiance à Jérôme qu’au Figaro, s’agissant des Stones. Que ce journal n’aime pas d’ailleurs me ravit… On a les ennemis qu’on peut.

En quelques mots, le disque serait même nul et « irrespectueux ». Mais de qui se moque-t-on ? Jamais les Stones n’ont été aussi respectueux : eux qui omettaient de créditer Marianne Faithfull au temps de leur apogée, nous créditent même le type qui a eu l’idée du titre du disque !!! Incroyable honnêteté. Pour le reste, personne n’a jamais obligé quiconque d’acheter un disque. Donc bon. Et puis les Stones ne prétendent à rien d’autre que d’être de faire de l’entertainment, et-ce depuis le début,

Alors, que reste-t-il de ce disque ? Il débute comme on attend qu’un disque des Stones débute depuis les années 80. À savoir un riff impeccable et un truc qu’on retient instantanément.

Puis on passe directement au boogie bouillie punky bâclé dans la joie avec Polo Macca à la basse fuzz ! Entretemps une ballade stonienne classique nous a chatouillé l’oreille. Ce disque va nous permettre d’écouter le meilleur titre d’Oasis depuis What’s the story morning glory (je vous laisse trouver la chanson tout seul : na et ahahaha! : un indice : ça commence par « The streets... ») !

Le reste on s’en fout complètement, mais l’album se clôt sur ce que les Stones font de mieux et le plus sérieusement : une reprise de Muddy Waters : Rolling stone blues. La guitare de Keith, la voix et l’harmonica de Mick. Un standard. Un adieu ? En tous cas ce serait la fin parfaite d’une carrière débutée vraiment à Chicago (si, si…)

Sur ce, je vous conseille de réécouter en boucle Let it bleed.


dimanche 15 octobre 2023

Prof

 J'suis prof'. J'enseigne l'histoire géo et l'EMC. En gros pour résumer  :pourquoi c'bordel (HG) et comment vivre avec (EMC)?

Je suis pas là pour donner des leçons de comportement et des recettes de bonheur. J'essaie modestement d'apporter un peu de lumière au sombre tableau de nos siècles de massacres, de haines, de rancœurs nationales, religieuses, sociales...  La lumière fait mal aux yeux les plus engourdis, aux regards les plus assombris... Trop pratique de fermer les yeux quand le tableau n'est pas joli.

Je déteste les explications faciles et les causalités d'évidence idéologiques. Ca aide d'avoir des schémas tout faits, mais l'histoire n'a de cesse de montrer que les choses sont complexes, entrelacées, mêlées dans d'inextricables labyrinthes. C'est ce qui est passionnant car nous sommes parties intégrantes du labyrinthe et non des pions au milieu d'un tout extérieur. Nous sommes le monde et non dans le monde. Etre modeste, car si je suis partie du monde, l'autre l'est de même. Tous les autres... 

Alors tolérance obligatoire. 

Les nations naissent et meurent, n'en déplaise aux nationalistes de tout poil. Les religions croissent et décroissent n'en déplaise aux croyants. Les systèmes se transforment, les langues aussi, n'en déplaise aux nostalgiques. Le pouvoir et les rapports de force se modifient au gré de variants innombrables...Le monde est transformiste et l'histoire raconte cela. 

Quoi de permanent? Pas grand chose. Les continents se meuvent et certains événements d'une triste actualité nous le rappellent : 2000 morts en Afghanistan la semaine dernière...

Le soleil s'éteint. Et personne ne le rallumera. La seule certitude c'est que dans ce grand bazar qu'est l'univers, les sociétés ont des possibilités de maîtrise, relatives, mais réelles : les rapports entre les hommes, les rapport entre les espèces (nous et les animaux, nous et les végétaux) se pensent au regard de la raison et au regard de la science. C'est le but de la politique et de la technologie que de gérer tout cela. 

C'est mon métier que de dire tout cela, de hiérarchiser certains éléments, d'en oublier d'autres aussi,  car nous sommes vulgarisateurs pour un public lambda, tous, et non spécialistes pour une assemblée d'experts... 

Ces choix, ces explications heurtent celui ou celle qui n'est pas prêt à l'entendre. Pour de multiples raisons : souffrance personnelle, croyance, conviction, ignorance, etc, etc.

Chercher à éclairer devrait être exaltant : c'est souvent pénible. L'impression d'une lutte sans fin, d'être à contre courant tout le temps, de ne pas vivre au même rythme. Et à cela, faire triompher le rythme de la sagesse,  les politiques de tous bords ne nous aident pas, à vouloir vivre au rythme de la lumière et du son. Le rythme du savoir n'est pas non plus celui des affaires et celui de la célébrité. Les gamins rêvent de Qatar et de Dubaï, les adultes rêvent de fixer le monde. Jouir et fermer les yeux. Mon boulot c'est l'inverse. 

Dans sa chanson l'odeur de l'essence, Orelsan dit très bien tout cela : "tout est binaire", "nostalgie d'une époque où d'autres étaient déjà nostalgiques d'une époque où d'autres étaient déjà nostalgiques d'une époque où d'autres étaient déjà nostalgiques  etc"

Moi je le dis avec des exercices, des documents et la raison. Trop difficile. Pour cela maintenant on assassine. Les profs deviennent les cibles de la frustration, les boucs émissaires faciles. L'Ecole cristallise le mécontentement des parents comme des enfants. 

"Evaluez" m'ordonne-t-on. Mais tous les jours, les premiers concernés refusent les résultats de l'évaluation. 

"Soyez laïc!" me dit-on. Mais, dans ce siècle, plus personne n'accepte les conséquences et les voies de la laïcité. 

"Enseignez l'honnêteté intellectuelle et le savoir" me demande-t-on. Mais tout le monde ment partout tout autour, et la crétinerie gagne le combat.

J'suis prof. Et fatigué de l'être. J'suis prof et dégoûté. Non je ne travaillerai pas plus à continuer à me former sur mon temps de congé. Non je ne travaillerai pas plus même pour une prime de 70 euros brut par heure. La société a l'Ecole qu'elle mérite. 

J'suis prof. Mon métier est d'enseigner l'histoire géo et l'EMC. Je continuerai à le faire mais avec le goût amer dans la bouche. Pas peur. Dégouté. Mourir pour ça... 




samedi 14 octobre 2023

assassinés

Hier, mon collègue Dominique Bernard a été assassiné pour s'être interposé face à un tueur qui cherchait, semble-t-il, un prof d'Histoire-géo (J'emploie ici le conditionnel). Il y a deux ans j'écrivais ceci, à propos de l'assassinat de Samuel Paty. 

"Un collègue est mort assassiné d'avoir voulu enseigner. C'était son métier et son devoir : enseigner l'esprit critique à travers un document, la caricature. 

La nature même du document invite à la réflexion : « charge d'une façon exagérée » (du verbe italien caricare, venu du latin carricare : charger, lester un char de poids), par extension « en rajouter » 

Pour être clair charger la mûle! 

On sait, ou l'on doit savoir, quand on voit une caricature, qu'elle est déformation, exagération et non manifestation de vérité. Même si certaines vérités peuvent se glisser sous l'angle de nos réactions. Et notre société l'autorise. Le blasphème n'est blasphème que pour le croyant. L'incroyant, l'autre croyant, ne peut voir de blasphème là où n'est pas son dieu. Il peut néanmoins le concevoir et il peut aussi assumer de blasphémer. 

L'enseignant se doit d'enseigner.  Personnellement je montre ces documents  en lien avec la liberté d'expression. Et aussi la liberté de croire de chacun et la respectabilité des croyances. C'est ma manière d'équilibrer les choses : le droit au foulard des parents accompagnateurs (par exemple) et le droit à caricaturer le prophète. 

C'est l'enjeu de la laïcité : un triangle simple et fragile, équilatéral: 

Premier côté  : la liberté de conscience (croyances et incroyance).

Deuxième côté : l'égalité des postures ainsi nées de cette liberté.

Troisième côté :  la neutralité nécessaire de l'Etat qui en découle. 

Nous continuerons à montrer les caricatures. Nous continuerons à enseigner l'importance du fait religieux dans l'histoire des civilisations. Nous continuerons à rester neutres. Libres; égaux; neutres." 

Parce que fonctionnaires d'un état laïc, les enseignants sont devenus des cibles. Doivent-ils se résoudre à ne plus enseigner la laïcité? Doit-on modifier la doctrine de l'Etat laïc? Bien sûr que non. Mais ils ne peuvent être les victimes sacrifiées d'un gouvernement qui agite les manches et hausse la voix mais ne fait rien. Où est l'argent de la lutte contre la radicalisation? Concrètement, que fait-on à part des rondes avec des voitures ciglées "Vigipirate" sans aucun effet?