mouette

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samedi 29 juin 2013

Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage.

Ceci exprime une opinion personnelle que je vais essayer d'étayer convenablement : les sujets du brevet en HG ont été scandaleux et lamentables dans leur conception.
La première remarque concerne la forme de ces sujets, forme connue depuis longtemps, et sur laquelle les enseignants n'ont évidemment pas eu leur mot à dire. Cette forme  vient consacrer la destruction pour les élèves de Troisième, de 3 années d'enseignement au collège, fondées sur l'analyse documentaire et la confrontation des documents entre eux pour faire émerger une réflexion sur l'histoire et la géo. La définition du nouveau brevet ramène l'épreuve à une restitution des connaissances pour l'immense majorité de l'épreuve. C'est faire de l'histoire ce que l'on n'aime pas qu'elle soit... Peu importerait si les objectifs programmatiques et méthodologiques étaient en cohérence avec cet objectif. Mais non! Nous sommes censés enseigner le sens critique, l'analyse de notions et de concepts toujours plus fins et difficiles. L'enquête sur le niveau des élèves de collège en HG qui a fait grand bruit a répandu l'inquiétude : le niveau baisse! Mon dieu, ô combien cette enquête, qui consiste à solliciter les élèves sur les repères factuels, est déconnectée de ce qu'on fait en classe! Montrez une image de propagande, une œuvre d'art et vous verrez si le niveau baisse. En gros, en évaluant ce qu'on n'enseigne pas ou plus, ou à la marge, nécessairement les élèves se trompent! C'est comme passer son permis de conduire sur une route verglacée avec des pneus lisses alors qu'on a appris à conduire avec un vélo à roulettes ... Ça ne viendrait à l'idée de personne. Si! A nos élites bien pensantes du ministère. Passons et revenons aux sujets du brevet...
Première aberration : Alors qu'en début d'année, en réunion de formation, devant une vingtaine de collègues,  une IA-IPR, affirmait que le bon sens l'emporterait et que les sujets seraient probablement construits autour de chapitres que chacun aurait eu le temps de bien traiter et sur des documents importants, les trois disciplines ont construit leurs études de documents sur des chapitres de fin de programme, parfois marginaux, sur la base de documents anecdotiques et contestables. Comme si on avait voulu sciemment montrer que les professeurs ne parvenaient pas tous à terminer les programmes (c’est bien le cas!) ou comme si l'on avait voulu mettre en difficulté les élèves qui auraient eu des profs en difficultés. On sait bien lorsque l'on met en œuvre un nouveau programme, comme c'était le cas en Troisième cette année, qu'il va y avoir des problèmes de programmation, de progression et de mise en œuvre de manière générale... En gros, on a construit un mur et on a foncé dedans, tête baissée... C'est naturellement intentionnel et il faudrait se demander pourquoi. Mon opinion? Lorsque l'on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage....

Que les programmes doivent être finis, bien sûr c'est une évidence. Qu'ils puissent l'être  et l'être bien , c’est à dire en respectant à la fois le rythme des élèves, la progression des apprentissages et les difficultés théoriques de ces mêmes  programmes c'est une autre affaire. Cette inadéquation entre ce que l'on demande de faire, les sujets et les programmes, on, la retrouve aisément au bac cette année. Il ne saurait donc s'agir d'une simple erreur. C'est d'autant plus aberrant que, des erreurs,  il y en a! Il est scandaleux que les pontes qui nous donnent des leçons à longueur d'année, laissent passer coquilles et erreurs théoriques dans les sujets, j'y reviendrai plus loin.

Sur ces sujets de brevet 2013 que dire?

En histoire, la première question est en contradiction formelle avec ce qui nous avait été annoncé : on prétendait ne plus  vouloir de "repères réflexes" (du style : 1515? Marignan! Au fait, M'sieur,  c'est qui Marignan?) mais vouloir donner du sens à ces repères historiques.
Résultat : Consigne : "associez un lieu et un personnage à la date suivante  : 52 av JC" : réponse possible : Vercingétorix (ou César) - Alésia. C'est donner du sens cela?
Autre exemple : 1492 : Christophe Colomb - Amérique...
Formidable! Mais ça fait longtemps qu'on essaie d'enseigner autre chose et autrement, fort heureusement.... Mais pour tous les profs qui s'évertuent à vouloir faire une histoire qui ait un sens dans leur cours, tout cela est trahison.

Question 2 : Racontez au choix la guerre de Corée ou la crise de Cuba. Vous rédigerez un développement construit. Bien sûr cette question est en concordance absolue avec le programme. A tel point qu'on voit bien que le sujet du cours ce n’est plus la guerre froide mais être capable de comprendre un exemple isolé de guerre froide, déconnecté de son ensemble, donc de son sens. D'une manière générale l'illustration ou l'étude de cas a pris le pouvoir dans les cours et dans les examens. Ce n’est plus un exemple, ce n'est plus une grille de lecture, c'est une fin en soi. J'attends avec impatience les copies des élèves les plus en difficultés sur cette question.

Le document choisi est un texte de Bérégovoy. Non pas un texte mais la transcription d'un enregistrement d'une interview  télévisée avec cette oralité propre aux plateaux de télés...  Nous sommes en 1982 et Béré n'est alors que secrétaire général de l'Elysée. Détail? Non, car si un élève de troisième ne sait pas ce qu’est un secrétaire général de l'Elysée, -et c'est le plus souvent le cas : comment le saurait-il, ce n’est pas à enseigner...- alors, il ne pourra pas répondre à la question : "ce texte est-il objectif? Justifiez votre réponse." On prend ici les élèves en otage dans le but de décrédibiliser leurs enseignants qui se débattent avec des programmes énormes.

Lorsqu'on a tué les élèves avec des questions bien précises on peut les achever avec des questions tellement vagues qu'elles en sont déconcertantes ... "Qui est le président de la République à cette date?" C'est facile, tout le monde le saura peut-être. "Citez une autre loi votée sous sa présidence". Mais toute réponse citant une loi votée entre 1981 et 1995 est donc possible!!!!! Autant dire que les élèves ne sauront que dire.

On retrouve cette approximation dans les questions de géo :
"Qu'est-ce qu'un espace productif?" Et bien un espace qui est marqué par une production quelle qu'elle soit. Ça n'a pas de sens... A quelle échelle se trouve-t-on? De quoi parler? Un champs du bocage normand est un espace productif comme une zone commerciale en périphérie urbaine,  comme une ZAC, un technopôle ou une région agricole majeure. Bref ... Tout et rien.

Le document de géo, qui n’est pas un document de géo  (science des territoires et de l'espace) mais un tableau statistiques, pose lui aussi problème. "On peut classer les pays européens en trois groupes : tracez deux traits rouges dans le tableau et justifiez votre choix". Toute réponse devient possible tant qu'elle est justifiée.. Youpi!

"Que dire du revenu moyen de l'UE par rapport au reste du monde (représenté par deux extrêmes : les EUA et l'Afrique...)"? "Répondre sans recopier les chiffres du doc, mais en justifiant". Mais c'est un tableau de chiffres : ne pas en citer c’est s'obliger à justifier par le blabla. L'UE est au milieu sera sans doute une réponse acceptée, nous verrons cela demain... Voilà qui va donner du sens !

Les concepteurs du sujet sont donc écartelés eux-mêmes entre la volonté de respecter des programmes intenables et à forcer les profs à les finir, l'impossibilité de mettre en échec des élèves sur ordre des hiérarchies (il faut que l'élève réussisse! c'est un ordre, car c'est une obligation bientôt opposable en justice...), et la complexité de notions toujours plus à la pointe des recherches....

Nous aurons donc droit lundi matin à des injonctions de notes positives sur des questions infaisables.
De la même manière au bac de 1ère S, où une notion-clé, l'économie-monde, est maltraitée par le sujet,  son concepteur n'en maîtrisant visiblement pas le sens.... Cela fait beaucoup et devient pour le moins embarrassant pour tout le monde, les élèves en premier lieu, et usant pour le prof qui essaie de faire du mieux possible son boulot.

Mais n'oubliez pas : ce n’est pas un hasard : quand on veut tuer son chien...

dimanche 9 juin 2013

So Young... Don't say it's over!

Si jeune le vieux Neil... Neil Young, 68 automnes, a donné jeudi  soir un concert mémorable à Paris.
The Loner n'a rien, avec le Crazy Horse, d'un solitaire. Si le concert fut réussi c'est d'abord parce Neil Young joue avec son groupe. Serrés sur la scène, complices, unis, Neil Young et Crazy Horse ressemblent à ces groupe de jeunes qui répètent au fond d'une cave en rêvant de lendemains meilleurs. Au fond, ils cherchent un état, l'état de transe que procure le rock 'n' roll joué à fond avec une conviction intacte. Le mur sonore établi  par le groupe, signature inimitable, fonctionne et provoque l'adhésion. Il faut se laisser porter par le son, qui vous pénètre le corps et le cerveau, vous galvanise et vous inspire.
Si ce concert fut une expérience magique c'est également que Neil Young est un artiste unique, habité, hanté, par  des démons, des images et des rêves que transmettent ses chansons. Jouer  la musique n'est donc pas une posture mais une nécessité vitale et cela se ressent. La constance qu'il témoigne dans se verve créative en est d'ailleurs un témoignage. Voir les nouvelles chansons que sont Psychedelic Pills, Walk like a giant, Ramada inn s'insérer naturellement aux côtés des classiques Hey Hey My My (into the black), Heart of gold ou Rockin' i n a free world est sidérant.
Le court moment acoustique  sur fond de logo Woodstock n'altère pas la tension du concert. Pause sonore, ce n'est pas une facilité gratuite : la citation de Woodstock dans ce contexte n'a rien d'une nostalgie éculée et déplacée. Elle est une mise en abimes, un clin d’œil et une forme de rêve. Aucune faute de goût pour un show très construit à l'évidence mais aucunement formaté, où la joie de jouer et l'improvisation du moment ont leur place. Quant à la mise en scène (techniciens et roadies déguisés, mimant désaccords et altercations), elle rappelle que tout cela est seulement du  rock'n'roll et constitue une salutaire mise à distance : Neil Young ne se laisse à aucun moment aller au culte de la personnalité, à la trop facile autocélébration à laquelle cèdent tant de groupes sur le retour ou non. La distance ainsi créée par rapport au show, rappelle que les chansons, la musique, le son encore une fois,  constituent l'essentiel, et la quintessence de sa présence, et de la notre. Hormis un "Merci Paris" final de circonstances, nulle adresse démagogique à la foule.
Ses seuls mots à la foule furent insérés au final de Hey, Hey, dernière chanson : "Don't say it's over". Et le rappel  significatif, Rockin' in a free world, de se mettre au diapason : la première chose qu'on fit le lendemain matin : remettre encore et encore du Neil Young sur la platine. Keep on rockin', it's not over!