mouette

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jeudi 3 novembre 2011

Iconique supersonique black star…

L’ombre d’un aigle décharné, plane encore sur Bercy. Ses ailes déployées enveloppent la nuit qui résonne encore de ses cris. Bob Dylan est passé. Expérience unique.
On ne va pas au concert de Dylan comme à un autre. L’amateur de Rock (ou encore, blues, pop, folk, bref la grande famille de la musique américaine…, appelez cela comme vous le voulez…) qui n’a jamais vu Dylan en concert malgré son âge avancé (l’amateur pas Bob !), sait plusieurs choses : les morceaux qu’il aime en disque, il ne les reconnaîtra pas forcément ; l’investissement du maître confine au minimal s’il le décide ; la voix est fatiguée d’avoir tant chanté, la gorge enfumée… ;la guitare est pour Dylan un lointain souvenir ante-arthritique… Bref, les menaces rodent sur la prestation.
Qu’attend l’amateur de tels évènements ? Cocher sur son propre livre d’image lui (Dylan par exemple) je l’ai vu, eux (Pink Floyd, par exemple) pas, eux (Les Stones au hasard) oui ? Non. L’amateur attend une expérience sonore et un moment partagé.
Il n’est pas trop fort de dire que l’expérience du 17 octobre fut mémorable. Je la gardais précieusement pour moi avant de publier ce texte. Premièrement, histoire de voir sa vivacité avec le temps. Deuxio, je reste toujours méfiant avant de m’étaler : ça intéresse qui, les impressions personnelles d’un amateur de musique américaine (rock, blues,pop etc) ? Mais le jugement péremptoire d’un spécialiste auto affirmé à la compétence reconnue de tout ce que Paris compte « d’essentiel », et les insistances d’un vieux camarade présent ce soir-là m’y poussent.
Je ne suis pas dylanologue et ne prétend pas être spécialiste. Je ne publie pas des dictionnaires amoureux de la chose. Mais lire que De Caunes a trouvé cela atroce me rend furieux. Je sais qu’il pourrait m’en dire bien plus sur les morceaux et la carrière du grand Bob, à la manière de "l’érudit-rock" de Rock‘n’Folk. Mon manque d’érudition pointue ne m’a pas empêché de relever moultes erreurs dans ton dico, Antoine, en particulier autour de JJ Cale et de sa discographie (les erreurs ça arrive, mais il faut se relire avant de publier). Alors quoi ?
Le concert du 17 fut une expérience forte : iconique, sonore à la manière supersonique…
Bob Dylan s’est rangé du côté des légendes. Il en est une, indéniablement. Il en assume le statut par l’image. Nous sommes en présence d’une icône, noire, poseuse, au cœur d’un tableau –le groupe - bien composé. Cohérence visuelle du noir, le décor est posé. Nous sommes au cœur des racines de cette musique. Son groupe est mené à la manière des orchestres de BB King, autre icône, de ces grands musiciens qui sûrs de leur aura et de leur légitimité n’ont pas de gêne à marquer leur pouvoir. Dylan pose, sûr de son fait. C’est dangereux. Faut pas se casser la gueule, faut assurer. A la manière d’un Presley, Dylan ose le déhanché rock’n’roll.
Le son, maintenant, c’est-à-dire tout de même, l’essentiel. Fort en volume (on m’avait prévenu ce qui ne laissait pas de m’étonner), mais surtout compact, intense, dense, moderne car intemporel : du rock’n’roll, brut et décapant. Basse, batterie, Télécaster, guitare rythmique, et orgue dylanien. Ceux qui ont aimé la période Kooper-Bloomfield vont aimer. Cela tranche avec les derniers albums que je connais mal et m’évertuais à écouter pour me mettre à jour ! Du rock 'n’ roll c’est-à-dire une pulsation, tempo rapide et déterminé, des riffs tranchants acérés à l’aigu intense. C’est carré, réglé au cordeau mais vivant. Le répertoire dylanien est ici passé à une moulinette cohérente de bout en bout, avec une volonté de le jouer non comme un patrimoine immuable mais comme une matière organique, vivante : récits résonnants, émotions anciennes et vivantes, par un homme hors d’âge qui n’a peut-être d’autre sens à donner à sa vie que de chanter.
Ceci est porté par une voix abîmée par un traitement d’une violence inouïe. Que dis-je ici ? Cette voix, qui vient du profond du corps, éraillée bien sûr mais parfois très grave, cette voix est l’instrument premier. Dylan aboie parfois plus qu’il ne chante et l’on retrouve des accents d’une autre icône, John Lee Hooker avec qui Dylan partage l’épopée. On y retrouve le Johnny Cash affaibli de la fin. Voix qui tressaille, menace de tomber, mais finalement trouve sa route tout au long du concert.
Si on ajoute que Dylan se fend d’un joli solo de guitare et d’interventions à l’harmonica on en conclut qu’on a trouvé ce qu’on était venu chercher : une véritable expérience, un moment d'anthologie. N'en déplaise à la foule venue chercher une connivence de bon aloi, au rythme d'applaudissements et de ohohohoh (no rain) vieillots. Gardons cela pour les reformations de n'importe quel groupe de légende. Mais Bob Dylan n'est pas n'importe qui.

1 commentaire:

  1. Un bien bel hommage en vérité. Un article rock qui va droit au but sans oublier d'être profond - le Zim, c'est pas les Ramones non plus ! Je confirme: Bob est grand et Hubert est son prophète. "Il est pas mort, Bob Dylan?" Non,mon grand (ou ducon, ça dépend de l'heure et de l'humeur), c'est une légende à sa manière mais il est bel et bien vivant et, à sa manière également, en pleine forme comme en témoigne sa performance de vieux bluesman à Bercy. Un vieux bluesman qui grogne et qui tape du pied avec un sourire en coin, hein, pas le fantôme de Robert Johnson! Légendaire et vivant, inaccessible et à portée de main puisque "le cirque est en ville" une fois par an. Allez le voir en chair et en os parce qu'autrement, vu que ce gars-là ne squatte pas et n'a jamais squatté les pages des magazines people, vous risqueriez de le louper et ce serait quand même ben dommage. Invisible "à sa manière", le Bob ("Tu es invisible maintenant, tu n'as plus de secrets à dissimuler"). Quoi de plus normal pour un type qui déclarait, du haut de ses 20 balais : "Je vous laisserai entrer dans mes rêves si vous me laissez entrer dans les vôtres." Amen

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