mouette

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samedi 8 septembre 2012

le cas MK

C'est l'heure! A la veille de la sortie d'un nouvel album de Bob Dylan (le 45è? pour les comptes consultez les encyclopédistes spécialisés),- à la veille disais-je de la nouvelle contribution musicale(?) d'une légende vivante, part entière du patrimoine américain, mais également au lendemain de la sortie d'un double album solo de Mark Knopfler, le moment est venu d'ouvrir le (lourd) dossier Knopfler.
Dylan - Knopfler, loin de moi l'idée de comparer ce qui ne saurait l'être. Le concert commun donné à Bercy l'an passé a montré à quel point les deux artistes n’œuvrent pas dans la même catégorie. Au rocker tout de noir vêtu,évoquant tout à la fois Presley, Johnny Cash et Wooddy Guthrie, à Bob Dylan, donc, avait précédé un musicien appliqué et son groupe folky de techniciens parfaits (hormis une réticence sur la batterie) dont la musique semblait perdue dans Bercy tant sa place était au pub du coin. Ceci dit avec une réelle affection pour cette musique et ce musicien nous le verrons. Trop de choses les séparaient à cet instant pour qu'on puisse oser les comparer (quel sens que la comparaison de toutes façons?). Tout de même, leurs trajectoires se sont plus que croisées : elles se sont parfois (em)mêlées, voire empêtrées- et je saisis l'occasion pour examiner le cas Chou-fleur.
Depuis ses débuts l'ombre de Dylan pèse sur MK. Le fantastique premier opus de Dire Straits a pour beaucoup révélé un guitariste d'exception. Pour ma part je retiens une voix et un songwriter. En jouant (trop?) bien de la guitare, en se positionnant virtuose, MK a lancé Dire Straits sur la voie d'un succès jamais démenti mais pesant et parfois il faut bien le dire embarrassant : devenu machine à tubes et à shows calibrés, le groupe de Folk-pub-rock cool et laid-back des débuts devenait un groupe standardisé avec guest starring obligés (Sting, Clapton, Omar Hakim, Manu Katché etc).
C’est dès les débuts du groupe que Dylan vit peut-être en Knopfler un type capable de relancer sa musique dans une période de double crise (une de plus dans ce parcours non linéaire) musico-commerciale (un creux) et mystique (conversion au christianisme). Il ne le choisit pas par hasard... Leur musique était issue de la même matrice. Au passage, signalons que c’est le moment choisi par David Mc Neil pour écrire Bye Bye Bob Dylan...
Dès lors, les trajectoires de Knopfler et Dylan se croiseraient pour le meilleur (Man gave name to all the animals) et le pire à mon avis (neighborhood Bully) : mais là c’est une question de goût.
Aujourd'hui ils terminent une tournée commune de plus d'un an, dans une ambiance de relative indifférence mutuelle : ils ont néanmoins partagé la scène une fois pour un morceau lors d'un rappel, sur les dizaine de dates de la tournée... Brouillés depuis longtemps, depuis les années Infidels, ils avaient eu l'occasion déjà de repartager la scène et d'aplanir ces différents. Lorsqu'on lui proposa cette tournée, MK bien qu'il était en plein enregistrement, répondit : on ne refuse pas une tournée avec le maître.
Car c'est bien de cela dont il s'agit. Depuis longtemps MK a décidé de rechausser ses vieilles galoches d'artisans chansonnier, sur la route du patrimoine d'une musique anglo-saxonne, débarrassée de ses scories pop : back to the roots en quelque sorte. Et question patrimoine le père Dylan en connaît un rayon puisque, non content de le revisiter parfois, il le recrée en permanence! Mais MK est britannique, et du nord en plus. Le patrimoine pour lui inclut aussi la musique des Dubliners et des Chieftains. Chacun son histoire! Depuis qu'il a mis Dire Straits au rencart, Chou-fleur a entrepris de désosser sa musique. Son retour aux racines reste dans ses premiers albums marqués par un tropisme du solo de guitare qu'on ne saurait lui reprocher tant son jeu est spécifique et marqué par le goût du silence. On lui sait gré de faire son chemin à l'écart des modes, des systèmes commerciaux. J'enregistre, je joue ce que j'ai envie. Il est en position de le faire et ne s'en prive guère. Certaines de ses galettes étaient déjà très marquées par un retour au blues : je pense à The Ragpicker's dream notamment. Avec son double album Privateering, MK réalise un authentique disque de blues et de musique traditionnelle. La scansion blues est omniprésente, et domine l'ensemble. Knopfler joue comme les maîtres des années Trente et d'après guerre. L'apport de l'harmoniciste Kim Wilson, et la présence du pianiste Jim Cox, sont décisives ici. Quand à Knopfler il n'a besoin que de son talent pour dire le blues à la guitare. C'est d'ailleurs du point de vue instrumental le grand retour du bottleneck et de la slide guitare qu'il avait quelque peu délaissée.
Autour de nombreux purs et durs blues rocailleux quelques morceaux Irish et de très grandes chansons où la voix domine. Une voix qui à l'inverse de celle de Dylan est d'une constance et d'une profondeur ahurissante.
Les pépites de cet album? De très grandes chansons : Redbud Tree dont le court solo montre l'incroyable talent de musicien de Knopfler; Privateering, sorte de Folk- Blues celtique; Go, Love une magnifique chanson d'amour; Yon two crows et Dream of the Drowned Submariner sont des morceaux où Knopfler semble laisser courir son inspiration de conteur très particulier; et ils sont superbes.
Les blues, disais-je dominent l'ensemble, tantôt urbains, tantôt delta, certains jazzy : Don't forget your hat, Miss you blues, Hot or What, Gator Blood, Bluebird, Blood or Water, Today is Okay, After the Beanstalk : tous ces morceaux s'inscrivent dans une tradition de la musique américaine, et la plus belle.
Sans prétendre à la position iconique de la légende Dylan, Knopfler parvient à tracer sa route sur le chemin d'une musique qui à bien des égards leur est commune, et qui in fine, par delà leurs caractères, les réunit. Voilà j'ai réussi à dire ce qui me vient en définitive : c'est que ces deux-là sont sur la même route. Sur la Route...

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